DR RETO EBERHARD RAST
Traduit de l’allemand. Vous pouvez trouver la version en allemand ci-dessous.
Le docteur Reto Eberhard Rast est médecin à Lucerne en Suisse et également conférencier et délégué de la Croix-Rouge suisse à l’étranger lors de catastrophes civiles. En 2014, il fonde avec l’aide des autres membres du conseil d’administration Swiss IANDS (Comité suisse de l’International Association for Near-Death Studies), dont il est président.
1. Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser aux expériences de mort imminente (EMI) ?
Depuis mon enfance, je me suis toujours intéressé à la question de la vie avant et après la mort. Depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, j’ai toujours été fermement convaincu qu’après notre mort, nous retournons là d’où nous venons. Ce n'est que plus tard que je me suis rendu compte que cette confiance instinctive et cette absence de peur de la mort n’étaient pas courantes - sauf chez ceux qui avaient vécu une EMI. Ce qui m'a vraiment fasciné dans les EMI est justement la façon dont la mort est perçue.
2. Vous avez pu recueillir des témoignages d’expérienceurs pendant votre internat ; un témoignage vous a-t-il marqué en particulier ?
J’ai observé à plusieurs reprises le passage de la vie à la mort, et pas seulement pendant mon internat. Je vais me limiter à quelques exemples ici. Lors de ma première expérience, j’ai pu observer les transformations qu’entraîne l’approche de la mort sur la personne et par exemple, combien le visage et les yeux d’une personne âgée peuvent s’illuminer à ce moment-là. J’ai également vu comment la mort peut se manifester de manière tellement aiguë et rapide en l’espace de quelques minutes; le désarroi et l’émotion qu’entraîne la rapidité avec laquelle la mort intervient. L'expérience la plus impressionnante que j’ai vécue concerne une EMI, lors d'un service de nuit aux urgences, lorsqu'un homme d'environ cinquante ans a été admis pour subir une ponction du liquide céphalo-rachidien, pour détecter une éventuelle cause infectieuse ou organique qui auraient pu être à l’origine de modifications de son cerveau. En discutant avec le patient, il est apparu clairement que ses changements psychologiques étaient de nature psychiatrique (il était maniaco-dépressif) et non neurologique; je n'ai pas eu à effectuer de ponction. Cela m’a donné le temps de réfléchir et l’équipe et moi avons réalisé que cet homme avait vécu trois EMI dans sa vie. La première avait eu lieu lorsque, jeune homme, il avait été victime d'un accident de moto. L’EMI était de type classique et heureuse. Plus tard, alors qu’il traversait une profonde dépression, il avait tenté de se suicider. Il avait alors expérimenté une EMI négative et effrayante, dont il ne voulait ou ne pouvait pas parler. Enfin, alors qu’il était employé des CFF, il avait reçu, suite à une négligeance, une décharge électrique de haute tension, qui l'avait immédiatement catapulté hors de son corps; il s'était alors vu allongé à côté de la locomotive. Il racontait que toutes les couleurs qu’il voyait étaient différentes de la réalité, bien qu’il fasse nuit. Il savait qu'il allait mourir, mais il le refusait. Il a ainsi résisté – avec succès – à l'approche du tunnel. Ce patient a donc connu les trois variantes courantes de l’EMI dans sa vie: une variante heureuse, une variante effrayante et une variante positive, qu'il a pourtant interprétée négativement.
3. En tant que médecin, avez-vous l’impression que les gens vont plus facilement vous confier leur expérience, ou au contraire, sont-ils plus réticents à parler à un scientifique ?
Je ne me considère pas comme tel et je ne suis pas vraiment un scientifique. Je ne collecte que des anecdotes, ce qui, à mes yeux, ne fait pas de moi un chercheur. Ainsi, mes patients ne me perçoivent pas comme un scientifique, mais plus simplement comme leur médecin. De ce fait, je n’ai pas l’impression qu’ils ne veulent pas se confier. Bien sûr, il m’est difficile de savoir si on ne me dit pas tout.
4. Depuis que vous vous intéressez à ce phénomène, avez-vous observé une évolution dans les mentalités au sujet des EMI ? Se confie-t-on maintenant plus facilement ou non ?
Il m’est difficile de donner un avis objectif sur cette question, car je ne travaille activement sur ce sujet que depuis huit ans. Durant cette période, peu de choses ont changé. Mais, de manière générale, on peut tout de même observer une plus grande ouverture d’esprit ainsi qu’un accroissement des connaissances à ce sujet. Les jeunes générations se montrent également plus ouvertes.
5. Est-ce que connaître les EMI a changé quelque chose dans votre vision de la vie ou de la mort ?
Au fond, pas tant que ça, car connaître les EMI n’a pas changé la vision que j’avais déjà de la vie et de la mort, de par mes convictions et mes valeurs.
6. Que voudriez-vous dire à des gens qui ne croient pas à l’existence des EMI ?
En fait, je ne chercherais pas à les convaincre, car cela ne sert à rien d’avoir un débat sur l’existence ou non des EMI avec des gens qui de toute manière ne croient pas en l’au-delà. La plupart des gens qui connaissent vraiment ce phénomène ne le mettent pas en doute. Le débat porte davantage sur la manière d’interpréter cette expérience et de savoir qui est habilité le faire. J'ai très tôt pu observer que lorsque le débat porte sur la question de savoir si les EMI sont une preuve ou non de la vie après la mort, la discussion est infructueuse si les deux interlocuteurs sont fermement convaincus de leur point de vue.