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STÉPHANE ALLIX

Stéphane Allix est un journaliste, écrivain et réalisateur français. En 1988, il part en Afghanistan à l’âge de dix-neuf ans en tant que reporter de guerre, métier qu’il exercera pendant de nombreuses années. Après cette expérience, il s’intéresse à un tout autre domaine : les phénomènes extraordinaires. Il fonde en 2007 l’INREES, l’Institut de recherche sur les expériences extraordinaires. Il a écrit de nombreux ouvrages qui traitent de ces phénomènes, notamment des expériences de mort imminente[1].  

Il est également l’auteur de la série documentaire diffusée sur M6 en 2010, « Enquêtes Extraordinaires Â», dont chaque épisode explore un phénomène inexpliqué, comme les frontières de la vie, le sixième sens ou les guérisseurs.

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1. Est-ce la même soif de connaissance qui vous a poussé à aller en Afghanistan en 1988 qui vous pousse aujourd’hui à aborder des sujets tels que les expériences de mort imminente, les vies antérieures ou encore la médiumnité ? 

Oui, complètement, j’ai toujours été intéressé par les sujets frontières. Au début de ma carrière, c’était les frontières physiques de cette planète, les pays auxquelles on ne pouvait pas accéder, comme l’Afghanistan en guerre. Et puis ensuite, je me suis intéressé à d’autres conflits, à d’autres situations géopolitiques compliquées, puis à des thématiques comme la production et le trafic d’opium et d’héroïne depuis l’Afghanistan jusqu’en Europe. Des sujets que j’appelle des sujets frontières puisqu’ils sont difficiles à cerner et suscitent beaucoup d’émotions dans leur traitement. Accéder à l’information demande une expertise, du temps, et un investissement important, c’est pourquoi peu de gens s’y risquent. 

La mort de mon frère en 2001 a éveillé en moi le désir d’explorer d’autres questions, qui d’ordinaire sont plus souvent laissées à la philosophie ou à la religion. Que se passe-t-il au moment de la mort ?  Que se passe-t-il après ? Cette question peut-elle être élaborée et explorée de façon rationnelle, sans entrer dans un de ces deux champs, qui sont celui de la philosophie ou de la religion ? Journalistiquement parlant, peut-on poser la question de ce qui se passe au moment de la mort ?  Ces interrogations m’ont poussé à aborder ces sujets, encore une fois frontières, telles que les expériences de mort imminente par exemple. J’ai ainsi découvert à ma grande surprise qu’ils n’étaient pas si facilement explicables et bien souvent qualifiés très rapidement et de façon un peu péremptoire comme farfelus ou surnaturels. Les expériences de mort imminente sont un exemple frappant, parce que ce sont des phénomènes qui peuvent se produire à un moment où le cerveau est en état de souffrance importante voire carrément en cessation d’activité. Or, ce cerveau, dont on croit pourtant qu’il fabrique la conscience par des processus électrochimiques, n’est théoriquement plus en mesure de soutenir une conscience. Comment se fait-il que des gens, qui ont un cerveau qui ne fonctionne pas ou qui fonctionne très mal, soient capable d’états modifiés de conscience aussi profondément intenses ? 

Quand on n’étudie pas le sujet, on peut se dire qu’il s’agit simplement d’un phénomène qu’on comprendra un jour ; la majorité des médecins se débarrassent ainsi de la question. Mais j’ai ce besoin d’investiguer toujours plus loin lorsque je m’aperçois qu’il y a là de vraies questions, de vraies incohérences. Ma démarche, depuis mes premiers pas de journaliste en Afghanistan en 1988 jusqu’à aujourd’hui, est strictement la même. Je considère qu’il n’y a pas de questions taboues, qu’il n’y a pas de sujets impossibles à explorer ; il y a seulement de mauvaises manières de le faire. C’est pourquoi j’essaie de le faire le plus rationnellement et le plus sérieusement possible, en m’entourant de spécialistes, de médecins, de chercheurs. Et quand ces gens-là, des experts dans leur domaine, montrent leur trouble, et sont d’accord pour dire que ces expériences posent des questions vertigineuses sur notre conception de la réalité et notre conception de la conscience, cela impose d’être plus curieux et de continuer à investiguer.  


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2. Lorsque vous avez commencé à vous intéresser à ces phénomènes extraordinaires, avez-vous rencontré des réticences de la part des médias, du monde scientifique ou du public en général ? 

J’ai envie de dire non. Je sais qu’il y a des réticences, mais je pense que ces réticences sont souvent liées à une mauvaise appréhension de ces phénomènes. Mon approche de ces sujets a toujours fait l’objet d’une démarche journalistique ; je fais toujours la différence entre ce qui est du domaine scientifique, du vérifiable, de ce qui est domaine de l’intuitif et du personnel. La science est un outil formidable, qui permet d’explorer la réalité. Il ne faut donc surtout pas l’écarter : si on prend trop de distance par rapport à la science et la rationalité, on risque de ne plus pouvoir partager objectivement ces résultats et ces découvertes, et c’est à ce moment-là qu’on entre dans la croyance. Je ne suis jamais tombé dans ce travers et j’ai toujours observé une grande rigueur à ce niveau-là ; c’est pourquoi je n’ai pas été l’objet de critiques, car j’ai toujours fait mon travail le plus sérieusement possible. Mais la science n’est pas le seul moyen pour parvenir à explorer la réalité, et nous avons peut-être tendance dans notre société à la considérer comme tel. 

Les médias, les journaux pour lesquels j’ai travaillé ou encore la chaîne de télévision M6 avec laquelle j’ai dirigé et fondé la collection « Enquêtes Extraordinaires» ont vu à chaque fois que je n’étais pas dans une démarche de croyance et que je faisais mon métier de journaliste. Sur M6, je n’ai jamais eu d’opposition et j’ai pu profiter d’une liberté totale pour réaliser toute cette série d’«Enquêtes Extraordinaires».

Dans le monde scientifique, je remarque qu’il y a plus un désintérêt, qui conduit certains à se détourner de ces phénomènes et donc à proférer à leur encontre des jugements un peu rapides et péremptoires. Cependant, j’ai pu constater que nombreux sont les médecins ou les chercheurs qui réalisent que les théories actuelles ne sont peut-être pas totalement satisfaisantes pour décrire la réalité et la conscience. 

Quant au public, je crois que les gens ont aussi l’intuition d’une réalité qui ne se réduit pas à ce monde de matières, que nous sommes autre chose que des sacs d’os et de chair. Le public lui-même se met à explorer ces questions. 


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3. Avez-vous pu observer une évolution dans la mentalité des gens au sujet des EMI et de la mort en général ? Notre société change-t-elle et s’interroge-t-elle plus ?

J’ai le sentiment – je ne peux pas l’appuyer sur une démonstration ou des études sociologiques – mais j’ai le sentiment qu’il y a environ vingt ans, on avait une approche un peu basique et bourrin de tous ces sujets-là en les abordant de manière assez caricaturale.  J’ai l’impression qu’aujourd’hui, il y a un peu plus de nuance dans le propos : on observe une attitude plus respectueuse du caractère mystérieux de certains phénomènes. Je le vois notamment pour la question de la mort. Cette évolution est peut-être aussi liée aux temps que nous traversons ; un temps de crise a toujours tendance à faire vaciller les certitudes sur lesquelles les sociétés sont construites. Cette certitude, que tout est matière, est de moins en moins défendable. 



4. Les EMI sont des phénomènes que la communauté scientifique peine à expliquer. Est-ce que ce n’est pas le signe que la science, telle qu’on la connaît, atteint en quelques sortes ses limites ? 

Il ne faut pas voir la science comme une citadelle qui aurait des limites. La science est un mécanisme d’interrogation de la réalité. C’est une façon d’appréhender notre monde, d’observer les phénomènes qui s’y produisent, de les reproduire, de mieux les comprendre et de formuler des hypothèses quant à leur fonctionnement. Ces hypothèses – tous les scientifiques le diront – sont par définition temporaires. Chaque société, chaque époque s’est illustrée par des changements de paradigmes, des changements de grands systèmes de pensée. On est depuis plusieurs décennies dans un très lent et progressif changement de paradigme. La science d’aujourd’hui, avec ses modèles matérialistes, peine diablement à expliquer de nombreux phénomènes, comme les EMI. Il y a toujours des gens qui continuent de chercher une explication de ces phénomènes dans le cerveau. Le problème avec cette approche, c’est qu’elle oblige d’une certaine manière à être dans une forme de cécité par rapport à la complexité du phénomène. En approchant les EMI purement sous l’angle des neurosciences, on risque de ne chercher que là où on veut trouver, sans prendre en considération le fait que la solution se cache peut-être complètement ailleurs. Je suis toujours frappé de voir des recherches en neurosciences faire l’impasse sur des éléments recueillis pourtant dans des milliers de témoignages d’EMI, témoignages qui décrivent des choses que les neurosciences matérialistes ne peuvent pas expliquer et qui posent néanmoins de vraies questions sur notre conception de la réalité.  

Je ne veux pas du tout dire qu’il ne faut plus faire appel de science, parce que ce serait totalement absurde de renier ce qui fait une des richesses de notre société. Je pense d’ailleurs que la science a pour devoir d’investiguer, de chercher, de creuser un petit peu ce sujet, mais de ne pas s’enfermer dans une vision qui l’empêcherait de voir la globalité du phénomène. Je terminerai par dire que la science d’aujourd’hui a besoin d’évoluer sur ses fondements, pour pouvoir appréhender des expériences liées à la conscience, en posant l’hypothèse que ces phénomènes ne sont peut-être pas liés à une activité cérébrale. Cette démarche demande – et ça sera l’objet d’ailleurs de mon prochain livre – une pluridisciplinarité, c’est-à-dire une bonne connaissance de toutes les recherches qui sont faites sur la conscience dans de nombreux champs différents. 


[1] ALLIX, Stéphane ; MORISSON, Jocelin. L’expérience de mort immminente. Une enquête aux frontières de l’après-vie, La Martinière Eds De, 2015.

Stéphane Allix: Qui suis-je ?
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